Le XIVe et le XVe siècle sont au Japon une période de confusion politique et de désintégration progressive du pouvoir central. Cette anarchie résulte de l’accroissement du nombre des chevaliers qui rend impossible le maintien des liens personnels de fidélité.
Le rétablissement de
l’unité nationale suppose la mise en place de nouvelles structures politiques,
processus nécessairement lent, dont la première étape est la création d’unités
féodales indépendantes de la clique originelle de Kamakura ; on voit
certains « protecteurs militaires » (shugo) et des aristocrates
provinciaux s’attacher une clientèle
locale et devenir de puissants seigneurs dans le ressort de leur province. Les
guerres des dernières années du régime de Kamakura montrent que leur ascendant
sur le reste de la classe guerrière est
supérieur à celui des Hôjô ou du shogun.
L’influence de ces seigneurs locaux ne cesse de s’affirmer
au cours du XIVe et du XVe siècle. A l’origine, ils ne tenaient leur pouvoir
que du consensus général ou de la désignation par leurs semblables ; leur
statut était celui d’un primus inter pares.
Progressivement, ils se muent de
véritables suzerains locaux, s’adjugent le contrôle de régions entières et
exigent des chevaliers de leurs domaines une allégeance totale. Au XVIe siècle,
ils prennent le nom de daimyô sous lequel ils vont jouer un rôle de premier
plan jusqu’à la fin de la période féodale. Leur ascension politique a pour
contrepartie la régression sociale des chevaliers indépendants. La plupart des
anciens domaines sont en effet regroupés au sein des régions contrôlées par les
daimyô ; la fonction de régisseur devient un titre vide avant de
disparaître complètement. Au même moment, l’art militaire évolue ; on
recourt de plus en plus à l’infanterie pour servir de masse de manœuvre dans
les batailles, de sorte que beaucoup de chevaliers n’ont même plus de raison d’être.
Perdant simultanément leur mission guerrière et leur fonction sociale d’encadrement,
les chevaliers apparaissaient comme une force en pleine régression.
Certains réussissent à devenir daimyô. Mais la plupart en
sont réduits à proposer leurs services aux daimyô et à exercer en leur nom des
fonctions militaires et administratives subalternes. Ils subsistent en
exploitant quelques terres que le daimyô leur alloue sur ses propres domaines
ou, plus souvent, se contentent d’un salaire fixé versé par le Trésor domanial.
Leur situation les rapproche de la classe paysanne au moment même où les ruraux
sont commis à la défense du pays et fournissent les contingents d’une
infanterie de qualité.
La vraie secte de la Terre pure en prend argument pour
contester la suprématie des féodaux. En période de guerre, les paysans se
transforment en soldats et les plus valeureux peuvent espérer gravir les
échelons de la classe aristocratique ; à l’inverse, bien des chevaliers se
voient réduits, après une bataille malheureuse, au statut de paysan. Ainsi, existe-t-il,
au XVe et XVIe siècles, une certaine perméabilité sociale entre les couches
populaires et la moyenne aristocratie militaire.
La famille impériale et les princes de la cour de Kyôto sont
les premiers à subir le contrecoup de ces mutations. Les revenus qu’ils tirent
des domaines provinciaux s’amenuisent sans cesse et finissent par s’évaporer
complètement à la fin du XVe siècle. Au siècle suivant, la famille impériale,
les Fujiwara, et les différentes familles de la Cour mènent une existence
précaire et misérable. Pour survivre ils doivent patronner des compagnies de
commerce ou des guildes artisanales de Kyôto ; ils sont contraints d’exercer
les rares activités auxquelles il leur est possible de s’adonner sans déroger.