L'origine des combattants du Japon médiéval

L’origine des samouraïs, guerriers et propriétaires fonciers, est à chercher parmi les notables provinciaux, petits fonctionnaires des administrations locales qui font, à ce titre, partie de l’appareil d’Etat. Ils ont pour occupation principale la fabrication et la conservation des documents officiels, l’engrangement des redevances levées sur les domaines publics, l’organisation de leur transport vers la capitale, l’entretien des routes et des bâtiments publics, l’encadrement des forces de police, la surveillance des cultes et des fêtes religieuses locales. Les charges qu’ils occupent, non héréditaires, leur procurent des revenus sur les redevances fournies par les domaines. Jusqu’au Xe-XIe siècle, cette petite bureaucratie vit fascinée par les modèles dominants de la cour de Heian (Kyoto), qui lui semblent politiquement et culturellement hors de portée.



Mais ces fonctionnaires locaux sont aussi des chefs d’exploitation agricole qui ont su mettre en valeur des terres. Ils ont installé un point d’appui sur une hauteur, rassemblé des hommes et se sont lancés dans des opérations de mise en culture des rizières inondées, opérations qui nécessitent de lourd travaux : creusement des canaux et des réservoirs, construction des murets voire des digues etc. Le maître acquiert un prestige qui lui permet d’imposer son autorité sur les paysans mais aussi sur les petits notables, du cru, qu’il finit par considérer comme « ses hommes ». Ceux qui ont le mieux réussi finissent par se faire bâtir une résidence au centre de la terre défrichée, entourée d’un fossé, d’une palissade ou de murs en terre battue. Le maître y vit avec sa famille, ses serviteurs, ses esclaves. Dans le manoir sont souvent situées les meilleures terres, sorte de réserve seigneuriale cultivée par les dépendants directs du seigneur. Autour, les enclos, plus au loin les landes, où le maître chasse avec ses compagnons.
Le manoir est donc un centre artisanal et un lieu d’échange des produits. Même si on y fabrique des armes et des kimonos, il reste d’abord le cœur d’un domaine agricole, à partir duquel s’organise la mise en valeur des terroirs. Mais il constitue aussi un point d’appui militaire, voire un refuge pour les habitants des campagnes, souvent infestées de brigands. Peu à peu, le maître place ses frères, ses fils ou ses proches en des lieux stratégiques sur le terroir, après avoir fait défricher de nouvelles parcelles. De petits manoirs sont à leur tour construits et de nouvelles familles satellites (bunke) s’y installent qui reconnaissent la suprématie de la branche principale, en charge de rendre les cultes aux ancêtres du clan. Ce système facilite l’expansion du clan seigneurial.  Le chef de la famille souche est également à la tête d’une petite troupe de guerriers qu’il conduit à la bataille. En effet, les fonctionnaires locaux à la tête d’un manoir et d’un terroir se militarisent progressivement. C’est ainsi qu’au cours des XIe et XIIe siècles, ils se transforment en guerriers : les samouraïs sont nés.